36%

La part des TPE-PME d’Auvergne-Rhône-Alpes ayant enregistré un recul de leur chiffre d’affaires au 1er semestre 2024.

40%

La proportion de TPE-PME d’Auvergne-Rhône-Alpes faisant état de difficultés.

Depuis un an et encore davantage en ce printemps, les chefs d’entreprise ne sont guère confiants et évoquent un climat d’incertitude politique et économique particulièrement anxiogène. Un tel état d’esprit pèse sur leurs projets d’investissement et sur les trésoreries : une TPE-PME d’Auvergne-Rhône-Alpes sur trois déclare des tensions financières.

Dès lors, comment résister encore ? « Nous évoluons depuis la crise sanitaire dans un monde où l’on doit s’adapter en permanence, estime Céline Paravy-Atlan, fondatrice de MaPièce, qui gère six lieux atypiques à Lyon dédiés aux réceptions d’entreprises et emploie cinq collaborateurs. C’est même de l’apprentissage constant, pour s’inspirer, apprendre sans cesse, écouter les clients, évaluer les concurrents, trouver des solutions collectives… car rester isolé rend encore plus faible.

La crise actuelle oblige à s’ouvrir, à faire des pas de côté, à sortir de sa zone de confort, imaginer de nouveaux projets, innover, regarder les potentialités de l’intelligence artificielle, écrire une offre RSE digne de ce nom pour retenir les talents ».

L’entrepreneuse, toujours en mouvement, très connectée à l’écosystème régional, ne craint pas d’affirmer qu’elle secoue le cocotier et challenge sans cesse ses propres équipes. Intégrée au programme Grand 8, initié par la Métropole de Lyon avec la CCI pour engager des entreprises dans un parcours de croissance progressif et durable, elle aborde avec huit dirigeants issus de secteurs d’activité différents des problématiques tournées vers le business, les RH ou la gouvernance : « Nous nous voyons trois fois par mois, souvent en présence de grands témoins très inspirants. C’est évidemment motivant et rassurant. Je complète ces sessions avec les webinaires ou e-learning proposés par la CCI ». En toile de fond : une stratégie de diversification tournée vers l’expérience vécue par ses clients grâce à une offre de services plus globale autour de ses lieux de réception. Et un moteur : le refus de l’immobilisme ! « Nous sommes condamnés à avancer, reconnaît-elle, même à petits pas. Je suis animée par le lien entretenu avec mes clients, partenaires et collaborateurs. Soucieuse, aussi, d’apporter un peu de légèreté dans nos relations et notre quotidien ».

❝Le manque de vigueur de l’activité est redevenu le frein au développement le plus fréquemment cité par les TPE-PME, notamment dans l’industrie, le commerce de gros, le transport.❞

Philippe Guérand, président de la CCI de région Auvergne-Rhône-Alpes 

Cette légèreté, c’est sans doute de son propre aveu ce qui manque à Patrice Faivre-Duboz, pdg de deux sociétés de sous-traitance industrielle à Saint-Étienne : Chaudronnerie Fine de la Loire et Klözmann, un fabricant de portes d’entrée antivandalisme, de châssis de sécurité et de barrières contre les voitures bélier. Au dernier trimestre 2024, son activité a chuté de 50 % en raison du gel des investissements dans l’industrie. « L’insécurité politique et économique est telle, commente-t-il, que beaucoup de secteurs et notamment celui du bâtiment sont à l’arrêt. Mes concurrents et clients font le même constat que moi et ont les mêmes réflexes : trouver d’autres sources de chiffre d’affaires, mais avec un gâteau qui se rétrécit, on peine tous à résister encore et encore ». Ces derniers mois n’ont pas été roses : diminution de l’intérim ; chasse aux coûts, sur l’énergie, les matières premières ; recherche de solutions de réutilisation des matériaux, réduction de son salaire et baisse des loyers prélevés par ses SCI. « Nous sommes vraiment en mode survie, pose-t-il, sachant que pour rebondir sur des marchés porteurs comme le nucléaire, le militaire ou l’aéronautique, il faut des certifications que les généralistes que nous sommes n’avons pas. Nous manquons de temps et d’argent pour actionner des solutions immédiates ; nous sommes étouffés par la réglementation et les normes. Nous laissons même partir des savoir-faire, ce qui est désolant dans un pays comme le nôtre où les écoles d’ingénieur sont excellentes. Je suis consterné d’entendre certains discours sur les patrons. Pourquoi est-il si difficile de faire comprendre qu’une économie vertueuse est une force… sans aucun doute au même titre que l’écologie ! ». Ce discours de sincérité, ce fardeau sur ses épaules, Patrice Faivre-Duboz les partage avec ses équipes, tout autant que les stratégies à actionner. Il n’a pas diminué sa R&D, car il mise sur l’innovation et l’export pour garder la tête hors de l’eau. Il se sait vulnérable, mais il avance, soucieux d’ouvrir de nouvelles portes et de conserver ce qui a toujours fait sa force : ses capacités de souplesse et d’adaptation. 

Car derrière la permacrise se cache aussi une invitation - difficilement refusable - à se réinventer, à sortir du tout-négatif, à se distancier du discours sombre affectionné par certains.

« C’est simple, ponctue Hervé Henry, fondateur et patron de Siléane, leader français du robot industriel installé à Saint-Étienne, j’ai arrêté de tout analyser et j’éteins la radio ! Depuis un an, nous naviguons tous à vue, sans visibilité, entre période de calme plat et soudaine tempête. Nous vivons le retour de bâton d’une économie placée sous des perfusions publiques que l’on vient de nous retirer. On continue pourtant à se projeter et à tenir des propos réalistes, mais de préférence optimistes, car nos collaborateurs ont besoin de croire en notre capacité collective à réussir ». Sur un secteur de la robotique plutôt porteur, l’écriture du plan stratégique à cinq ans, décliné en perspectives, actions et objectifs, occupe une grande partie de ses journées. Le pdg entrevoit trois leviers majeurs de croissance : un développement accru à l’international, un renforcement de l’offre de services associée aux machines et un maintien de l’innovation via la R&D, qui mobilise tous les ans environ 10 % du chiffre d’affaires. « Nous ambitionnons de multiplier par trois la taille de l’entreprise dans les cinq prochaines années, confie Hervé Henry, notamment en nous positionnant sur les marchés outre-Atlantique pour lesquels nous consacrons beaucoup d’énergie en ce moment ». Fort d’un effectif de 200 personnes, Siléane a réalisé un chiffre d’affaires de 40 millions en 2024, dont 30 % à l’export, essentiellement en Europe.